Albert Camus a voulu decrire dans l’Etranger « la nudite de l’homme en face de l’Absurde », comme en temoignent ses Carnets. Il considere ce premier roman, acheve en 1940, comme un volet d’une trilogie sur l’absurde comprenant une piece de theatre, Caligula, acheve en 1939, et un essai, Le Mythe de Sisyphe, acheve en 1941. Le roman parait le 15 juin 1942, deux ans apres son achevement. Il est publie en pleine guerre, a Paris, sous l’occupation allemande. Dans ce contexte, l’histoire ecrite a la premiere personne d’un homme indifferent a tout sauf a ses sensations, aux yeux duquel toutes les valeurs (morales) se valent, a pu paraitre suspecte. Certains critiques ont ainsi parle a propos de L’Etranger d’un livre demobilisateur et demoralisateur, epousant de tros pres le point de vue de l’indifference et vehiculant un individualisme de courte vue. Soutenu par Andre Malraux, L’Etranger est publie par Gaston Gallimard a Paris. Le succes et la reconnaissance dans les cercles litteraires de la France metropolitaine sont immediats. Le livre retient l’attention de Maurice Blanchot et de Jean-Paul Sartre. L’Etranger se caracterise par une forme narrative singuliere, voir deroutante. Cela tient en particulier au traitement de la temporalite dans le roman. Le rapport au temps de personnage est en question : il ne fait ni d’incursion dans son passe, ni de projection dans un futur souhaite ou simplement imagine. Le personnage reste opaque, ambigu. Le lecteur ne peut le comprendre tout a fait. L’etrangete du roman vient de cette ambiguite et d’une sensation d’opacite. Les questions problematiques du destin, de l’origine, de la mort, de la filiation nourissent le roman et lui donnnent une dimension metaphysique.